Petits poissons.

- C'était un compliment, admit-elle sans détour.

Elle le considéra en silence pendant qu'il poursuivait, tous deux leur tasse à la main. Ah il voulait l'inviter à déjeuner ? Comme quoi d-finalement il arrivait encore à la surprendre malgré son air coincé de gentil prolo.

- J'aimerais beaucoup ça, accepta-t-elle d'emblée et sans plus de manière.

Parce que même s'il n'avait pas ses moyens, même s'il lui proposait une pizza assis sur un coin de rambarde au milieu des machineries, elle était partante. Parce que c'était nouveau, inédit, frais et changeant. Parce qu'être en terrain inconnu était infiniment rafraîchissant. Et si ça lui demandait beaucoup d'effort... Oui et non, tout dépendait de quel jour, de quelles circonstances. Mais si elle était capable de s'enfermer une semaine avec ses feuilles de calcul ou dans la labo de WasteWell, elle était aussi capable de prendre sa journée quand elle le souhaitait. Et elle en avait le droit. De toute façon, le monde n'attendait rien d'autre de la file du patron, au contraire. On croyait son poste purement honorifique exactement comme elle l'avait souhaité et comme elle avait travaillé pour que ce soit le cas.

- Je saurai me libérer.

Et voilà, ce n'était finalement pas plus compliqué que ça d'accepter l'invitation d'un quasi-inconnu. Enfin quand même, elle éprouvait soudain le besoin de se justifier un peu. Parce qu'il était de la classe laborieuse et elle de la classe qui se tourne les pouces. En théorie.

- Je me débrouille pour prendre assez d'avance quand j'ai besoin de prendre des journées pour une raison ou une autre.

Levant sa tasse à son tour, elle y trempa ses lèvres et ne put retenir une brève grimace. Le café c'était pas vraiment son truc mais ça faisait du bien quoi qu'il en soit. Ça lui brûlait un peu les lèvres et la gorge, mais c'était agréable aussi. Et si ça leur faisait abandonner trois minutes les rôles de la princesse et de la grenouille, elle était partante.