Entretien psychologique bisannuel
Confidentiel
Bonjour David, installez-vous. Comment vous sentez vous aujourd'hui ?[David prend place sur la chaise. Un peu nerveux. Il croise les jambes et plonge la main dans une de ses poches et en sort un paquet de cartes. Le jeune homme les sort délicatement et commence alors à les mélanger.]
Je vais bien ? Moi ? Moi, bien sûr que ça va... Pourquoi ça n'irait pas ? Moi je vais bien, je vais toujours bien. Sauf quand ça va mal, ahah. Mais ça va. C'est gentil de demander.
D'accord. Pouvez-vous me dire ce que vous faîtes un peu chaque jour ? Votre routine.Ah ! Je fais plein de trucs, un tas. J'apprends plein de choses, j'étudie. C'est bien d'étudier vous savez ? On se remplit le cerveau de plein d'informations utiles. Enfin je crois ?! Je me ballade aussi, ouais, c'est bien de se balader aussi. Je connais pas mal de monde, j'ai plein de connaissances. On fait des trucs... ensemble, parfois.
[David déposa plusieurs cartes sur la table en face de lui, en retournant certaines d'entre-elles. Le jeune semblait plus se préoccuper de sa partie de solitaire qu'autre chose.
Je vois. Vous m'avez l'air... comment dire, tendu ?Quoi ? Non, non, non... non, pas du tout. Je suis fatigué c'est tout. Vous savez les cours et toutes ces choses. C'est normal d’être fatigué, c'est humain. Physiologique qu'on dit ! Enfin je crois.
[David plonge la main dans ses cheveux, il sourit en direction du psychologue puis replonge son regard sur ses cartes]
Pourtant, vous semblez un peu agité tout de même.Hé! C'est parce que je suis juif c'est ça !? C'est ce que vous voulez dire, Docteur ?
[Le jeune lança un regard au médecin.]
Quoi ? Mais non pas du tou-[David leva une de ses mains]
Ahahah. Non, non. Mais oui, oui. Je plaisante, bien entendu que je plaisante, voyons. Vous m'avez cru. Non sérieusement. C’était drôle, très... trop pour vous sans doute ? Moi j'ai bien aimé. Faut rire. Ouais, rire. Certains disent qu'on gagne du temps de vie si on rit beaucoup. Moi j'y crois. Mais c'est vous le scientifique, je veux pas imposer mes idées.
Bon. On va recentrer notre discussion si vous le voulez bien. La terre. Vous souvenez vous de la terre ? Vous manque-t-elle ?[Le jeune homme jouait déjà depuis quelques minutes et avait plutôt bien avancé dans sa partie. Bien que son comportement était agaçant, il n'avait aucune envie de faire autrement. Les yeux toujours rivés sur ses cartes, bien plus intéressantes pour lui.]
Bof. Je m'en souviens pas. Non, je m'en souviens plus plutôt, j'ai un flash de temps en temps, rien de bien transcendent, en fait. C'est pas important, je suis ici, c'est chez moi ici, maintenant. Alors, pas besoin de se la jouer nostalgique. C'est pas comme si vous alliez faire demi-tour, hein. Vous croyez qu'on peut faire demi-tour ? Je crois pas qu'il y est des rond-points dans l'espace. Il y en ?
Décrivez-moi votre parcours.Et bien, le matin, je me lève, je me prépare je marche jusqu’à l'endroit adapté pour l'apprentissage de mes cours puis le soir et bien je fais le chemin inverse. Et je rentre.
Pardon ?C’était une... blague encore. Votre sens de l'humour ne pas l'air proportionnel au temps que nous passons ici. Vous allez mourir jeune si vous continuez comme ça. Va pas falloir vous plaindre.
Ces entretiens sont importants. Pourquoi les prendre autant à la légère ?[David soupira. Plusieurs fois même. C’était... assez énervant d'ailleurs. Il leva les yeux au ciel. Il pointa alors alors ses cartes du doigts.]
Ce qui est important, c'est que je trouve mon as de cœur. Vous savez, ces entretiens importants comme vous dites. Ce n'est rien de plus qu'une partie de solitaire pour vous. Vous agitez vos cartes devant notre nez pour nous faire réagir. "
Comment vous sentez-vous?", "
Vous faites quoi de vos journée", "
Vous avez mangé quoi, hier." C'est toujours la même chose, vous espérez toucher une corde sensible pour nous faire parler... et terminer la partie.
Je suis les consignes.Oui. Comme tout le monde.
David, pourquoi toujours autant agressivité de votre part ? Je ne le suis pas. Pas du tout. J'ai juste mes limites. Tout le monde pointe du doigt mon comportement. Mais je n'ai jamais eu de problèmes avec personnes, rien dans mon dossier, non ? Vous voyez, et personne ne peut me contredire.
Ce n'est pas la question, vous voulons juste que tout le monde se porte bien. Voila tout.[David soupira, encore.]
Oh. Mais je vais bien, très. Oui, oui, oui. Dieu... m'a donné la foi qui brûle au fond de moi. J'ai dans le coeur cette force qui guide mes pas. Dans ce cas, je n'ai aucun soucis à me faire.
C'est vrai, vous êtes juif. Séfarade il me semble ?Effectivement. De par ma mère. Ce sont les femmes qui transmettent le virus comme on dit.
[David ne pu s’empêcher de sourire, un sourire sincère, pour la toute première fois aujourd'hui.]
D'ailleurs votre m-Non. Non... N'osez même pas.
Jcrois qu'on s'est tout dit.
Très bien. Dans ce cas vous pouvez y aller. Encore une fois, nous ne pouvons approfondir sur vous savez quoi. Tant pis. Mais je continue de penser que cela pourrait vous aider d'en parler. [David se leva alors, il rangea alors ses cartes et remis le tout dans sa poche. Il prit la peine de serrer la main du psychologue. Il n'aimait pas du tout ce genre de chose, parler, s'exprimer. Raconter... Raconter quoi ? Rien, comme toujours. Il ne voulait plus qu'une chose maintenant : Aller se coucher.